Team jdr Le Seigneur des Anneaux
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 Islenor

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Thraïn
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MessageSujet: Islenor   Islenor EmptyDim 10 Aoû à 18:29

Salut tous !

Voilà un moment que je m'étais essayé à l'écriture. J'ai toujours été fan de littérature fantastique et c'est tout naturellement vers ce genre là que se sont tournées mes pensées dès le début.

L'histoire qui suit est relativement simple. Ne voulant pas copier les auteurs que j'admire, j'essaye désespérément d'éviter les clichés propres au genre. Attention, je ne dis pas que je fais dans l'originalité. Non, je fais dans la simplicité. La surenchère de noblesse, de brutalité, de magie, tout cela n'est pas pour moi. Mais je ne vais pas en dire plus. Je vous laisse découvrir l'introduction à cette histoire dont je ne connais moi-même pas la fin.

J'espère que vous la lirez. J'espère que vous l'apprécierez. Et si vous voulez me dire ce que vous en pensez, n'hésitez pas. Mais ne postez pas dans ce sujet que je réserve à l'histoire seule. Merci d'avance.
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Thraïn
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MessageSujet: Re: Islenor   Islenor EmptyDim 10 Aoû à 18:38

PRELUDE (1)

La nuit était calme. Éric regardait par la fenêtre de sa petite chambre de l’internat. L’air était doux en cette période. Le vent faisait voleter les longues mèches blondes de l’adolescent devant ses yeux bleus. Il les retint d’une main, plongea l’autre dans sa poche, en sortit un élastique noir et ramena ses cheveux rebelles en arrière afin de les nouer en catogan. Puis il reporta son attention sur le couché de soleil qu’il était en train d’admirer sans se soucier de la lumière vive qui l’éblouissait.

Voir le soleil se cacher derrière les collines l’avait toujours fasciné. Ce spectacle magnifique lui rappelait ses parents. Un soir, lorsqu’il avait cinq ans, son père et sa mère étaient partis en direction du soleil couchant. Ils avaient été invités par des amis, mais le petit Éric ne pouvait pas venir. Il devait dormir. De la fenêtre de sa chambre, il avait regardé la voiture s’éloigner et se fondre avec le soleil. Pour ne plus réapparaître. Sur le chemin du retour, la voiture avait chuté d’un pont. Ses deux parents étaient morts sur le coup. On lui avait dit alors, d’une manière assez abrupte, que ses parents ne reviendraient pas. Dans son esprit d’enfant, il avait vu la voiture disparaître dans le soleil. Et il était persuadé que ses parents étaient parvenus à atteindre le soleil, et qu’ils y étaient restés. Pendant quelque temps, son unique préoccupation avait été de trouver un moyen de parvenir au soleil. Maintenant qu’il avait grandi, et qu’il allait atteindre ses 18 ans, il regardait toujours le soleil avec envie et émerveillement. Bientôt, il serait majeur. Bientôt, il aurait son bac en poche et aurait la possibilité de travailler. Il pourrait alors quitter cet internat où il était persuadé de perdre son temps. Il pourrait enfin vivre sa propre vie.

Il but une gorgée de la bière qu’il avait à la main puis regarda sa montre. 21 h 30. Bientôt, il rejoindrait ses amis dans le hangar abandonné situé à quelques mètres de l’orphelinat, derrière la colline. À cet endroit, se retrouvaient de nombreux jeunes de l’internat. En secret bien entendu. Si un responsable avait découvert leur squat, la bande de jeunes aurait eu bien des ennuis.

Éric regarda de nouveau sa montre. Le surveillant ne devrait pas tarder à passer pour vérifier si tout le monde était bien dans son lit. Et dès qu’il serait parti, il serait alors temps de passer par la fenêtre et de se diriger vers le hangar.

Après une demi-heure d’attente, la nuit était pratiquement tombée, et Éric finit par entendre des bruits de pas dans le couloir. Enfin ! Le surveillant. Le jeune homme termina rapidement la bière qu’il venait d’entamer, dissimula les cadavres derrière quelques bouquins, ferma la fenêtre et se glissa sous ses couvertures. On toqua à la porte. Prenant la voix la plus ensommeillée qu’il pouvait, Éric répondit :

— Entrez.

Le surveillant passa sa tête de fouine par la porte. Et huma l’air, comme pour y déceler une odeur suspecte. Pendant un instant, Éric se demanda si sa chambre ne sentait pas trop la bière. Puis le surveillant fit :

— Pas de sortie nocturne cette fois-ci Éric, n'est-ce pas ? Sinon, tu auras affaire à moi. Et je ne serais pas aussi indulgent que le gardien.

— Bien sûr que non. J’ai retenu la leçon, grommela le jeune homme. Et puis, de toute manière, je suis trop fatigué pour sortir ce soir.

— C’est bien, grogna le surveillant.

Et il sortit, refermant la porte d’un coup sec. Éric fit un geste obscène dans son dos et se releva immédiatement. Il enfila rapidement un pantalon et un sweet. Il faudrait qu’il soit plus prudent ce soir. La veille, il s’était fait surprendre en revenant. Il avait fait trop de bruit en passant devant la demeure du gardien. Tout en insultant copieusement le gardien pour la punition injuste qu’il lui avait donnée (à savoir : balayer sa cour), il souleva son matelas, y prit la bouteille de tequila et les quelques bières qui lui restaient, les fourra dans son sac à dos, et rouvrit discrètement la fenêtre. Il enjamba prudemment la rambarde et descendit le long de la canalisation qui courait le long du bâtiment. Quand il mit enfin pied à terre, il se dirigea en direction du hangar.

Comme bien souvent, il fut le premier à y arriver. Il posa son sac à l’entrée du sombre abri et rassembla des branchages pour allumer le feu. À l’aide d’un briquet, il enflamma un bout de papier journal. Il regarda fasciné le feu se propager aux branches, puis lécher les plus grosses bûches. Soudain, comme il se baissait pour attraper une nouvelle bière dans son sac, une lueur étrange retint son attention à l’intérieur du hangar. Retenant son souffle, il entra dans la bâtisse pour voir qu'est-ce qui émettait cette lueur. Elle semblait venir de derrière le mur en pierre. Le jeune homme posa ses mains sur le mur et s'aperçut que la pierre qui cachait la source de la lumière pouvait bouger. Sans hésiter, il la tira à lui. Tout d’abord, la lumière l’aveugla. Il mit la main devant ses yeux pour s’en protéger. Quand il fut un petit peu habitué, il distingua un globe lumineux. Une espèce de boule de feu lisse. Un soleil, songea-t-il. Curieusement, elle ne semblait dégager aucune chaleur. À ce moment-là, il entendit une voix à quelques pas derrière lui.

— Éric ! T'es là ? J’te prends une bière, si tu permets.

— Ouais, pas de problème, sers-toi, répondit distraitement Éric.

Il avait reconnu la voix de Julien, le plus jeune membre du groupe qui squattait le hangar tous les soirs. Ce dernier n’avait pas encore 17 ans. Éric l’aimait bien. Mais à ce moment présent, il était trop occupé pour l’accueillir correctement. Comme hypnotisé par le globe, il tendit les mains vers lui et l’attrapa. À ce moment-là, il se sentit comme aspiré dans la boule. Il hurla comme il perdait sa forme humaine pour entrer tout entier dans le soleil. Il entendit vaguement Julien crier quelque chose, sans comprendre quoi. L’instant d’après, c’était le noir complet. Et il chutait dans le vide.
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Thraïn
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MessageSujet: Re: Islenor   Islenor EmptyMer 20 Aoû à 20:36

PRELUDE (2)

Julien cligna des yeux, incapable de croire ce qu’il venait de voir. Éric venait de disparaître à l’intérieur d’un globe lumineux qui avait disparu aussi au même moment. Maintenant, le hangar était plongé dans l’obscurité. Julien sortit sa lampe de poche pour examiner l’endroit. Aucune trace d'Éric, ni du globe lumineux qui l’avait absorbé. Pourtant, il n’avait pas rêvé. Il n’avait pas encore assez bu pour imaginer tout cela. Des bruits de voix et des éclats de rire se firent soudain entendre. Les autres arrivaient. Julien sortit précipitamment du hangar pour les accueillir.

— Julien ! fit le premier de la file qui arrivait, un roux grand et mince du nom de Philippe. Tu vas bien ? Éric n’est pas avec toi ?

— Non. Mais il était là. Il a disparu !

Sa voix tremblait. Ce qu’il racontait était inconcevable, mais pourtant c’était la vérité. Il l’avait vu de ses yeux.

— Qu’est-ce tu racontes. Comment il a disparu ? demanda Philippe interloqué.

— C’est vrai ! Je l’ai vu ! Il a été absorbé par le globe, puis il a disparu !

Les autres le regardaient à présent comme s’il était un demeuré. Puis, Moe, un garçon de petite taille dont les dreadlocks lui arrivaient jusqu’à la taille, demanda en rigolant :

— Dis donc, t’aurais pas commencé à fumer sans nous des fois, Ju’ ?

Julien ne put s’empêcher de rire à cette remarque.

— Mais non, j’vous jure ! Je l’ai vu de mes yeux ! fit-il avec un sourire. Vous voyez bien son sac là non ?

— Ah ! Ah ! Allons ! J’suis sûr qu’Éric nous rejoindra en cour de soirée. Il a dû partir se promener dans le bois de Saint-Paul. Puis il fait bien ce qu'il veut, non ? On a qu’à se servir un apéro en l’attendant !

Ça, c’était Jo. Lui c'était une vraie tête brûlée. Le genre à cacher dans sa chambre un casque de CRS qu'il avait réussi à embarquer lors d'une manif. C'était aussi le plus gros buveur que Julien connaissait. C’était en tout cas quelqu’un de très agréable, toujours prêt à faire la fête et à rigoler. Après cette phrase saluée par des acclamations, chacun s’assit autour du feu confectionné par Éric. Chacun sortit les bouteilles qu’il avait amenées et bientôt, plus personne ne fit vraiment attention à l’histoire de Julien.

— Alors Julien, comment ça avance avec Marine ? Pas encore réussi à l'accrocher ? demanda Moe. Depuis le temps quand même...

Facile à dire pour lui, pensa Julien. Ce gars était plutôt beau parleur et un redoutable charmeur. Malgré le fait qu’il était plus petit que la plupart des filles, et que ses cheveux n’avaient rien d’attirant, il avait un nombre de conquêtes impressionnant. Autant dire tout le contraire de Julien. Ce dernier s'en voulut une fois de plus de lui avoir parlé de ses sentiments pour la fille du surveillant.

— Non, répondit-il. Mais fous-moi un peu la paix avec ça. Ça arrivera en temps voulu.

— Tu devrais quand même te dépêcher sinon tu vas te faire gruger, fit remarquer Philippe. Parce qu’elle est quand même super bonne cette meuf !

— Ta gueule, Philippe ! répondit-il avec hargne.

Les autres éclatèrent de rire devant son air énervé. Bien sûr, Philippe avait dit cela dans ce seul but. Et lui, comme un imbécile, avait allègrement réagi comme prévu.

— Non, c'est vrai, rectifia Philippe. Avec toi, il faut dire qu'elle est « très mignonne ». Excuse-moi, j'avais oublié.

Le groupe s'esclaffa de plus belle. Julien ne pu s'empêcher de rire à son tour. Il rejoignit ses amis auprès du feu en secouant la tête.

— Vous êtes vraiment cons, les mecs, dit-il en s'asseyant.

— Aller, pour me faire pardonner d'avoir relancé le sujet, je te sers un verre, fit Moe.

Et il s'exécuta. Julien n'avait pas vu quelle était la composition exacte du cocktail que son ami lui avait préparé, et il prit le verre qu'il lui tendait avec suspicion. Prudemment, il trempa ses lèvres dans le breuvage puis sourit. C'était vraiment bon. Ce Moe avait un don pour faire des mélanges dans lesquels le goût de l'alcool était presque imperceptible alors que leur degré dépassait souvent allègrement les limites recommandées.

Julien repensa un instant à ce qui avait bien pu arriver à Éric. Peut-être avait-il vraiment rêvé. Distraitement, il vida son verre. Il fut aussitôt resservi. De nombreuses fois, il vida son verre, quel qu'en soit le contenu. Et toujours, une main secourable le remplissait à nouveau. Finalement, il se retrouva à chanter avec les autres et accepta le joint qui faisait le tour du groupe. Il s'aperçut que plus il buvait et fumait, plus il avait de mal à se souvenir de ce qui s’était passé avant que les autres n’arrivent. Il se laissa donc aller à la fête, buvant et fumant plus que de raison. Il entendit plusieurs fois le nom d'Éric dans les conversations autour de lui, mais il n'arrivait pas à en comprendre le sens. Finalement, il perdit complètement le cours de ses idées.
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MessageSujet: Re: Islenor   Islenor EmptySam 23 Aoû à 22:33

PRELUDE(3)


Le lendemain matin, il se réveilla avec un mal de tête atroce. Son estomac était très agité et il s’aperçut qu’une grande bassine avait été déposée au bord de son lit. À l’odeur épouvantable qu’elle dégageait, Julien eut un haut le cœur qui lui brûla la gorge et il remercia silencieusement celui qui avait amené cette bassine ici. Une fois qu’il eut craché tout ce qu’il pouvait, il poussa la bassine loin de lui. Douloureusement, il leva et se dirigea vers le lavabo. Quand il vit son reflet dans le miroir de l’armoire à toilette au-dessus, il crut voir un spectre. Ses yeux sombres étaient cernés de rouge, et son teint était d’une pâleur cadavérique qui faisait contraste avec ses cheveux noirs. Il prit un verre et le remplit d’eau, chercha un comprimé dans l’armoire et l’avala. Puis il se dirigea d’un pas chancelant vers la douche et se dévêtit avant d’y entrer. Quand il laissa l’eau couler le long de ses membres, il poussa un long soupir. Cela lui faisait du bien. Il serait bien resté plus longtemps sous la douche si on n’avait pas bientôt frappé à sa porte. Il sortit tout dégoulinant de sa douche et s’enveloppa d’une serviette avant d’aller ouvrir, espérant qu’il ne s’agissait pas du surveillant. Il fut soulagé en découvrant le visage souriant de Philippe.

— Alors ! Ça va mieux qu’hier ? demanda de dernier.

— Hungn… répondit Julien. Probablement, j’me souviens pas exactement de ce qui s’est passé.

— Ben mon pote, j’vais t’le dire moi c’qui s’est passé. T’étais complètement torché, voilà tout ! Il a fallu qu’on t’ramène dans ta chambre. Ça a pas été simple de t’faire passer par la f’nêtre. Mais on y est arrivé. Et sans s’faire remarquer en plus ! Mais tu f’rais bien d’ranger un peu c’te bassine là-bas, sinon, quand l’surveillant viendra, tu vas t’faire choper et passer un mauvais quart d’heure, à mon avis. Surtout qu'il va sûrement passer par là. Éric a disparu à c’qui paraît. Ils vont faire le tour de toutes les chambres avant même que les flics arrivent. Et un conseil : reste au calme aujourd’hui.


Après avoir murmuré un faible assentiment, Julien se traîna jusqu’à la bassine. Retenant sa respiration, il la vida dans le lavabo, faisant disparaître toutes les traces de ses folies de la veille.
Éric avait disparu. Il le savait, il l'avait même vu disparaître. Dans un globe lumineux. Un instant, il se demanda si ce souvenir était réel ou bien s’il était dû à l’alcool. Mais non, il était persuadé que c’était la vérité. Il tenta de réfléchir à ce qu'il pourrait bien dire aux flics si jamais ils l'interrogeaient. Ils le prendraient pour un crétin s'il leur disait ce qu’il avait vu. Mais il porta la main à sa tête douloureuse. On était dimanche et il pouvait dormir toute la journée s’il le désirait. Il réfléchirait à ça plus tard. Il se laissa tomber sur son lit.

Il se réveilla plusieurs heures plus tard, avec une faim de loup. Il regarda sa montre et vit qu’il était 13 h 30. Le réfectoire devait encore être ouvert, s’il se dépêchait. Il sauta au bas de son lit et courut en direction de la salle à manger. Juste à temps, il parvint à se faire servir en essuyant un sermon du cuistot sur les bienfaits que cela peut apporter de penser parfois à l’heure. Il avisa la table où ses amis étaient assis. Quand il s’en approcha avec son plateau, tous le regardaient avec un sourire jusqu’aux oreilles.

— Ouais, ça va ! fit-il en les fusillant du regard avant même que l’un d’entre eux ouvre la bouche.

Cette simple phrase suffit à faire pouffer de rire toute la tablée. Cependant, aucun ne parla de la soirée de la veille. Le sujet principal de conversation était tout autre : Éric avait fugué ! Julien fit mine d’être aussi étonné que les autres, de peur qu’on ne se moque de lui une nouvelle fois. Apparemment, ses amis avaient oublié ses élucubrations de la veille. Il n’était pas le seul à avoir des trous de mémoire ! Ou en tout cas, ils étaient bien assez préoccupés par un énorme problème.

— Il paraît que les flics vont venir ici,
dit Jo. Ça va mal aller pour nous s'ils découvrent qu'on était au vieux hangar. Alors qu'est-ce qu'on leur dit ? Le sac d'Éric a été retrouvé là où on l'a trouvé hier. Vers le feu. Il faut pas qu'ils sachent qu'on était là-bas.

— Arrête tes conneries Jo,
répondit Philippe. Il faut qu'on leur dise la vérité si jamais ils nous la demandent. T'imagines s'il lui était arrivé quelque chose de grave à Éric ?

Toute la tablée abonda dans son sens, en espérant que ce ne soit pas le cas. Mais Julien, lui, était persuadé qu'il lui était réellement arrivé quelque chose. Mais une chose à laquelle les flics ne pourraient rien faire du tout. Autant aligner son discours sur celui des autres, si jamais les condés l'interrogeaient. Il était arrivé au hangar et personne n'était là. Seulement le sac d'Éric. Voilà ce qu'il leur raconterait aux keufs !
À peine venait-il de prendre cette décision que le surveillant s'approchait de la table. Aussitôt, les conversations cessèrent.

— Vous devez tous savoir que votre camarade Éric Carlin a disparu. Des messieurs de la police viennent d'arriver. Ils ont mis le temps, mais ils sont là. Ils désirent parler avec ceux qui le côtoyaient tous les jours. Je leur ai donné vos noms. Quand vous aurez fini de manger, rejoignez-moi dans mon bureau. Et ne traînez pas en chemin.

Dès qu'il fut parti, tous les garçons se regardèrent d'un air sombre. Sans pour autant se le dire, ils se sentaient tous un peu coupables de ne pas s'être inquiétés plus pour leur ami. Dès qu’ils eurent fini de manger, ils firent comme leur avait ordonné le surveillant. La situation était trop grave pour qu'ils passent outre cette fois-ci. Quand ils arrivèrent devant le bureau, ils découvrirent le surveillant en pleine conversation avec deux hommes habillés en costard cravate. Ils ont fait exprès de se fringuer comme ça, uniquement pour nous impressionner, pensa Julien.

— Voilà les jeunes gens dont je vous parlais, messieurs, annonça le surveillant en les désignant du doigt. Ils vont pouvoir répondre à vos questions.

— Je vous remercie, Monsieur Moulin,
fit le plus grand des deux hommes. Vous pouvez nous laisser à présent. Nous nous occupons de tout.

Le surveillant sembla sur le point de dire quelque chose, mais il se ravisa. Apparemment, il aurait préféré rester pour entendre ce qu'avaient à dire les jeunes. Quand il fut parti, les deux policiers se tournèrent vers le groupe et les observèrent.

— Bonjour messieurs, je suis Frédéric Dumont, inspecteur à la police judiciaire, finit par dire le grand flic. Alors, vous connaissez bien Éric Carlin, n'est-ce pas ? Pourrait-il avoir fugué, selon vous ?

Personne ne se précipita pour répondre. Les policiers patientèrent un long moment. Finalement, Philippe finit par murmurer :

— Je pense pas. À la fin de l'année, il allait pouvoir travailler et gagner de quoi partir d'ici. Je verrais pas pourquoi il serait parti avant.

— Hum... Je vois. Et quand l'avez-vous vu pour la dernière fois ?


Les jeunes s'entre-regardèrent. Philippe prit une nouvelle fois la responsabilité de répondre.

— On l'a vu hier. Toute l'après-midi.

Il hésita avant d'ajouter :

— Hier soir, on devait se retrouver tous au hangar derrière la colline, là-bas. Quand on est arrivé, on a vu son sac posé près d'un feu. On a pensé qu'il nous rejoindrait en cours de soirée. Mais il n'est pas revenu.

— Et cela ne vous a pas inquiété plus que cela ?

— Non. Éric a toujours été très secret sur ce qu'il fait quand il n'est pas avec nous. On s'est dit qu'il pouvait bien faire ce qu'il voulait.

— Ouais et puis s'il voulait se casser d'ici, et ben c'est pas moi qu'allait l'en empêcher !
renchérit Jo avec comme d'habitude toujours beaucoup de tact.

— Bien, fit l'agent de police. Je vais voir ce que nous pouvons faire pour le retrouver. Merci pour votre collaboration. Vous pouvez retourner à vos distractions. Je m'en voudrais de vous déranger pendant votre dimanche.

Après avoir remercié les deux agents, le groupe retourna à ses occupations. Aucun d'entre eux n'était assez motivé pour jouer au foot cet l'après-midi. Chacun retourna donc dans sa chambre pour prendre un peu de repos après la nuit plutôt agitée qu'ils avaient passée.

Julien, lui, s'éloigna de son côté puis courut vers le hangar. Il fallait qu'il y arrive avant les keufs s'il voulait pouvoir vérifier qu'il n'était pas fou. Haletant sous la chaleur du soleil et couvert de sueur, il arriva assez rapidement à destination. Il n'y avait personne en vue. L’endroit était juché de bouteilles vides. Mais Julien ne s’en préoccupa pas. Il jeta un regard au sac d'Éric resté sur place. Un sentiment étrange l'envahit. Mais il n'avait pas beaucoup de temps. Il détacha son regard du sac et entra directement dans le hangar. Il se dirigea vers l’endroit où il était persuadé d’avoir vu Éric accroupi, un globe lumineux entre les mains. Mais il ne remarqua rien d’anormal. Pas de cache secrète derrière les pierres branlantes de l’édifice. Il lâcha un soupir de déception. Mais il ne fallait pas qu'il s'attarde plus longtemps ici. Fou ou non, si les flics le voyaient ici, il serait obligé de répondre à leurs questions. Il sortit donc du hangar et entama le chemin du retour. L'internat était en vue quand il distingua une silhouette qui se dirigeait vers lui. Un instant, il eut peur que ce ne soit les policiers, mais en plissant les yeux, il se rendit compte qu'il s'agissait d'une fille. Son cœur fit un bond dans sa poitrine quand il la reconnut. Marine. La fille du surveillant. Il ralentit l'allure et tenta d'arranger sa tenue et maudit le soleil d'être si chaud et de l'avoir fait suer ainsi. Je dois puer le bouc à des mètres, pensa-t-il. Il la regarda progresser dans sa direction. Elle portait un survêtement noir très seyant et avait un sac de sport en bandoulière.

— Bonjour, dit-il quand elle arriva à sa hauteur. Ça va ?

— Très bien et toi,
répondit-elle avec un adorable sourire.

De près, il put voir ses jolis yeux verts dans lesquels il avait l'impression de pouvoir se perdre. Son visage rieur était encadré par de longs cheveux qu'elle avait aujourd'hui coiffés en queue de cheval.

— Oh, ça va plutôt pas mal.

Julien aurait bien voulu rajouter quelque chose, mais il eut beau réfléchir, il ne trouvait rien d'intéressant à dire. Finalement, juste avant que le silence ne devienne gênant, Marine dit :

— Il paraît que l'un de tes amis a fugué. C'est vrai ?

— Éric a disparu. On ne sait pas où il est. Ni même s'il a vraiment fugué d'ailleurs. Des flics enquêtent là-dessus, ils nous ont interrogés, d'ailleurs.

— Ah bon ? Qu'est-ce qu'ils t'ont demandé ?


Réjoui de l'intérêt qu'il semblait avoir suscité chez son interlocutrice, il afficha un sourire modeste et affirma :

— Pas grand chose. Juste quand est-ce qu'on l'avait vu pour la dernière fois.

— J'espère qu'il ne lui est rien arrivé de grave.

— Oui. Moi aussi,
répondit Julien tout en pensant que c'était la réponse la plus plate qu'il eu pu faire.

Comme pour confirmer ses pensées, Marine prit congé en affirmant qu'elle devait se rendre à son match de handball. Julien la regarda s'éloigner. C'était vraiment une fille magnifique. Après avoir murmuré un vague « au revoir », il se maudit une nouvelle fois de sa timidité. Il fallait absolument qu'il l’invite à boire un verre... un jour.
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MessageSujet: Re: Islenor   Islenor EmptyMer 27 Aoû à 20:40

PRELUDE(4)

La vie reprit son cours normal. Si ce n’est qu’Éric n’était plus là et que plus jamais Julien ne but autant que ce fameux soir d’été. L'enquête de l'inspecteur Dumont se solda par un échec. Julien soupçonnait d'ailleurs qu'elle n'avait pas été très poussée. Étant donné que rien n'avait bougé aux alentours du hangar, il était presque sûr que les policiers n'y étaient même pas venus. Le directeur de l'internat ne fut même pas mis au courant des détails de cette enquête et il ne su donc rien des soirées au vieux hangar.

Trois années passèrent et Julien finit par se convaincre qu’Éric avait bel et bien fugué. Que ce qu’il avait vu n’avait été qu’une hallucination, un rêve. Il arriva un jour où, il croisa Marine accompagnée par son copain. Il n'avait pas su saisir sa chance. Il décida donc de partir de l’internat au plus vite afin de ne pas avoir à subir la vision de la charmante jeune fille au bras de quelqu’un d’autre que lui.

Il réussit son bac et entama une formation qui l'emmena vivre à Toulouse pendant quelque temps. Il garda bien évidemment des contacts avec ses amis. Et un jour d'été, au commencement des vacances, il reçut un appel de la part de Jo. Il lui annonçait que dans quelques jours, lui Philippe et Moe seraient sur Saint-Paul et ils lui proposaient de les rejoindre. « On se fera une bonne soirée, comme au bon vieux temps » avait-il dit. Julien avait bien évidemment accepté avec joie. N'ayant rien de particulier à faire tous ces jours, il décida de partir immédiatement.

Il arriva donc en gare de Saint-Paul le lendemain, en début d'après-midi. Les autres devaient arriver dans la soirée. Ils s'étaient donnés rendez-vous, une fois n'est pas coutume, près du hangar désaffecté, non loin de l'internat où ils avaient passé une petite partie de leur vie.

Julien alla prendre un sandwich et décida de se promener un peu en ville. Il repassa avec nostalgie dans les petites rues du cœur historique de Saint-Paul, se remémorant des anecdotes personnelles relatives à chaque lieu. Alors qu'il se promenait le nez en l'air, observant le toit de l'église de la ville, il heurta de plein fouet une fille chargée de paquets de toute sorte. La pauvre les fit, bien évidemment tous tomber par terre. Julien, très gêné par ce qu'il venait de provoquer, se précipita en bafouillant des excuses pour ramasser les paquets étalés par terre, sans se préoccuper de qui il avait en face de lui. Il ne releva pas la tête avant qu'il entende que la fille prononçait son nom. Il se redressa, un sac de vêtements à la main, et regarda la personne qu'il avait heurtée. Il ne la reconnut pas tout de suite. Mais un vague souvenir refit surface dans son esprit. Marine. Il lui fit son plus beau sourire. La jeune fille avait changé, mais elle était toujours aussi charmante.

— Marine. C'est toi ? Comment vas-tu ? Tu as beaucoup changé, je ne t'avais pas reconnue.

La fille du surveillant sourit.

— Tu ne m'as même pas regardé ! Tellement tu voulais réparer ta bêtise ! Oui, je vais très bien. Enfin pas mal. Attends, je vais t'aider, redonne-moi ces sacs. Et toi comment vas-tu ? Qu'est-ce qui t'amène ici ?

— Non, je peux bien les porter un moment, ça ne me gêne pas. Moi je vais très bien, j'ai réussi ma deuxième année à Toulouse donc tout va bien. Je suis revenu sur Saint-Paul parce que des amis à moi doivent venir aussi. Je dois les voir ce soir. Et toi, qu'est-ce que tu fais ?

— Et bien moi je travaille. Je suis animatrice sportive. Ça rapporte pas des masses, mais ça me plaît donc ça va.

— Et tous ces sacs, c'est quoi ?
demanda Julien.

Le beau visage de Marine s'assombrit.

— Je retourne chez mon père. Je vivais chez mon copain, mais on s'entendait plus. Donc bref, je vais vivre chez mon père le temps de trouver une autre solution de logement.

— Ah. Je vois. Tu veux que je t'aide à transporter tout ça ?

Depuis qu’il avait quitté l’internat, le regard de Julien envers la gent féminine avait beaucoup changé. De la fascination qui faisait battre son cœur d’adolescent, il ne restait qu’un intérêt beaucoup plus prosaïque. Et même si Marine n’était plus la muse qui l’inspirait tant deux ans auparavant, elle restait une très jolie fille.

La jeune fille réfléchit brièvement avant d'accepter. Julien l'accompagna donc jusqu'à l'entrée du chemin menant à l'orphelinat. Le surveillant habitait une petite maison située juste à côté, mais Julien n'avait aucune envie de le revoir. Après l'avoir remercié, Marine lui souhaita une bonne continuation et une bonne soirée.

— Si tu veux, tu peux venir ce soir. Tu les connais Philippe, Moe et Jo, non ? Et puis, ça t'éviterait de déprimer toute seule ce soir.

Marine ne répondit pas tout de suite. Et Julien s'en voulut d'avoir posé cette question. C'est pas le genre à déprimer pour une histoire comme ça, Marine. J’ai mal joué le coup. Pourtant, elle répondit :

— Oui, ça me ferait très plaisir. C'est gentil de me l'avoir proposé. Je ne me voyais pas passer la soirée en tête-à-tête avec mon père. Alors je te dis à ce soir ? Vers 20 heures ?

— Ça marche ! C'est vers le vieux hangar, tu sais ? Ça me fait plaisir que tu viennes. A ce soir !


Satisfait de lui, Julien retourna se promener encore un peu, passa faire quelques courses au supermarché puis se dirigea d’un pas tranquille vers la lieu du rendez-vous. Personne n'était encore arrivé. Normal, il savait qu'il était en avance. Rien ne semblait avoir changé depuis la dernière fois qu'il était venu ici. Il se souvint des soirées qu'il avait passé ici. Et plus particulièrement d'une certaine soirée lors de laquelle il avait fait un rêve très étrange... Par curiosité, il entra dans le hangar. Et il vit comme une lumière s'échappant par les interstices du mur du fond. N’en croyant pas ses yeux, il retint sa respiration et se dirigea vers la lumière. Il n’avait pas rêvé.

Comme Éric trois ans auparavant, il déplaça la pierre qui cachait le globe lumineux. Et il le prit dans ses mains. Il fut à son tour aspiré à l’intérieur et se retrouva à chuter dans l’obscurité. A son tour…
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MessageSujet: Re: Islenor   Islenor EmptyDim 31 Aoû à 18:59

Chapitre I(1)

Julien se sentit tomber pendant très longtemps. Lorsque enfin il toucha le sol, il ne ressentit aucune douleur. Comme si quelqu’un avait simplement tracé un trait juste en dessous de lui. Le souffle court, il palpa le sol. Il était étendu dans une herbe fraîche et humide. Le soleil était très haut dans le ciel ici. Il cligna des yeux à la lumière et regarda autour de lui. Il se trouvait au beau milieu d’une clairière, dans une forêt de pins. La cime des arbres était si haute, et leur tronc si large qu’ils devaient être âgés de plusieurs centaines d’années.

Julien se releva doucement. En dehors de cette clairière, la forêt était sombre. Le jeune homme se releva immédiatement. Il était affolé. Où pouvait-il bien se trouver ? Cette forêt avait l’air si vaste ! Julien ressentit aussi une certaine excitation. Ainsi, il n'avait pas rêvé ! Éric avait bel et bien saisi un globe lumineux. Et il s'était retrouvé au même endroit que lui. Il avait bien disparu. Où pouvait-il bien se trouver maintenant ? Et quel était cet endroit ? Alors qu'il réfléchissait à tout cela, il se figea sur place. Lui aussi devait avoir disparu. Et il ne savait pas comment revenir. Qu'allait penser les autres ? Se souviendraient-t-ils de la disparition d’Eric ? Feraient-ils le parallèle ? Et la pauvre Marine… Elle allait se retrouver toute seule là-bas. En effet, il avait compté passer un moment seul avec elle avant qu'ils ne soient rejoints par les anciens de l'internat. C'est pourquoi il lui avait donné rendez-vous une petite heure avant que les autres n'arrivent. Secouant la tête, il tenta de penser à autre chose. Ce n’était pas les sujets de réflexion qui manquaient… comment se tirer d'ici, par exemple.

Julien était en train de faire le tour de la clairière afin de trouver un quelconque indice de l’endroit où il se trouvait quand il entendit un craquement de brindille derrière lui. Il se retourna en sursautant. Une dizaine d’hommes venaient d’entrer dans la clairière et le fixaient du regard. Le jeune homme crut rêver en les détaillant. Ces hommes-là semblaient sortir tout droit d’un conte moyenâgeux. Ils étaient tous vêtus de tuniques vertes, avec une cotte de mailles passée par dessus. À leur côté pendait une épée, et tous avaient un arc avec une flèche encochée pointée sur Julien. Seul un jeune homme blond avait encore son arc en bandoulière. Mais lui avait dégainé son épée. Une courte barbe lui recouvrait les joues et le menton.

Malgré le fait qu’il ne l’ai pas vu depuis très longtemps, et malgré les changements qui s’étaient opérés en lui durant cette période, Julien fut persuadé de reconnaître cet homme. Ces traits fins, ces yeux clairs, ces cheveux blonds volant au vent… Ce ne pouvait pas être une simple coïncidence.

Julien le regarda, n’en croyant pas ses yeux.

— Éric ! s’écria-t-il. C’est toi ?

À ce moment-là, tous les hommes marmonnèrent des jurons et mirent en joue Julien qui, pendant un instant, crut se retrouver instantanément transformé en pelote d’aiguilles. L’homme blond plongea son regard dans celui de Julien. Puis il se tourna vers ses compagnons, leur faisant signe d’abaisser leurs armes.

— Retournez au campement et laissez-moi régler seul cette affaire, leur dit-il. Je vous rejoindrais dès que j’en aurais fini.

Après une seconde d’hésitation, les hommes jetèrent un coup d’œil méprisant à Julien et firent demi-tour. Julien se retrouva seul avec l’homme qu’il croyait être Éric. Mais était-ce bien vrai ? Il avait tellement changé. Sa voix était empreinte d’autorité. Et ses yeux bleus avaient un air impitoyable. Il s’approcha de Julien, l’épée au poing. Quand il arriva tout près de lui, il tendit sa main libre et la posa sur l’épaule du jeune homme.

— Julien ! chuchota-t-il. C’est bien toi ?

Soulagé, Julien agrippa le bras de son ami et répondit :

— Oui. C’est bien moi. Je savais bien que je n’étais pas fou. Tu avais bien disparu dans ce globe lumineux. Et tu as atterri ici. Comme moi. Mais… tu as changé Éric.

— Chut !
fit Éric en mettant son index devant sa bouche et jetant autour des regards inquiets. Ne m’appelle pas comme ça ici. C’est dangereux. Je t’expliquerais pourquoi plus tard. Ici, appelle-moi Armic. Mais qu'est-ce que tu fais là toi ?

Julien tourna plusieurs fois cet avertissement dans sa tête, essayant de lui trouver un sens. Mais quel qu'il fût, ce sens lui échappait totalement. Éric serait-il devenu fou ici ? Il décida de ne rien dire, ne voulant pas offenser son ami dès leurs retrouvailles.

— Ça fait trois ans que je me demande comment tu as fait pour disparaître dans le hangar. Et la nuit dernière, alors qu’une nouvelle soirée se préparait, j’ai vu la lueur qui venait de derrière les pierres. J’ai pris le globe lumineux, et me voilà au même endroit que toi !

— Tu n’aurais jamais dû faire ça,
répondit Éric.

— Je m’en rends bien compte maintenant, tes amis n’avaient pas l’air de me porter dans leur cœur, malgré le fait que je ne leur ai encore rien fait. Mais on est où là ? Pourquoi t’es habillé comme ça ? T’as pas l’air malin dans ces fringues, tu sais ?

Julien tentait de plaisanter afin de cacher son angoisse. Mais Éric n’était pas dupe. Il sourit pourtant en jetant un coup d’œil à ses vêtements.

— Oui, c’est vrai. Mais ici, cet accoutrement est nécessaire. Tiens, asseyons-nous, je pense que tu y seras plus à l’aise pour accueillir les nouvelles que je vais t’annoncer.

Appréhendant un petit peu ces « nouvelles », Julien s’assit en face de son ami. Et il attendit qu’il prenne la parole.

— Bien… Par où commencer ? fit Éric pour lui-même. Alors, disons, que ce globe lumineux, par lequel tu es arrivé est une sorte de porte entre deux mondes parallèles. Le nôtre, et… celui-ci. Ce continent est appelé Islenor. Comme tu as pu t’en rendre compte, ici, la civilisation est encore moyenâgeuse. La différence, c’est que la magie est ici un peu plus banale que là d’où nous venons. Tu peux me croire, j’en ai été témoin plusieurs fois. Les sorciers sont assez courants… Et ils sont en guerre contre les dragons.

— Des dragons !
s’étrangla Julien.

— Oui, répondit Éric nonchalamment. Ce sont des créatures mesurant environ huit mètres de long, et quatre de haut, bien qu’elles puissent sans problème se faire passer pour des humains si l’envie les en prend. Leurs seuls pouvoirs magiques sont d’une part, celui de se transformer en humain, et d’autre part, celui de commander aux humains.

— Ah, ce n'est que ça,
fit Julien mimant l'air blasé d'Éric, mais ne pouvant empêcher sa voix de trembler. Rien de bien dangereux alors, n'est-ce pas ? Comment ils font ça ?

— En fait, ce pouvoir repose sur l’esprit humain. Si un dragon rencontre un humain qui ne sait pas protéger son esprit, il peut en prendre le contrôle et le faire agir à sa guise.


Éric avait l’air passionné par ce sujet. Il avait apparemment bien étudié la question. Julien, lui, ne trouvait rien de fascinant là dedans.

— Ah ouais, quand même. Hum… Ça a pas l’air d’être des créatures très fréquentables.

— Très peu fréquentables, en effet. Et le problème, c’est que leurs noms ressemblent beaucoup aux noms humains du monde que tu viens de quitter. Appeler quelqu’un Éric, par exemple, est une insulte inexcusable.

— Génial. J'ai l'impression d'être tombé dans un monde de tarés. Enfin, je comprends mieux maintenant les regards de tes amis. Qui c’était, d’ailleurs ?

— Ils font partie d’une sorte de communauté. Nous vivons dans cette forêt, et notre autorité n’est pas contestée ici. C’est notre domaine, n’en déplaise au Duc de Morckan. Tous les marchands qui empruntent la route de la forêt payent un droit de passage et nous assurons leur sécurité.

— Tu es donc devenu un brigand,
fit Julien avec un sourire.

— Non ! s’exclama Éric faisant mine d’être outré par cette idée. Les marchands passent ici de leur propre volonté. Ils payent moins cher ici qu’au péage de la Grande Route instauré par Morckan, et c’est plus rapide pour ceux venant du nord. Cela bénéficie à tout le monde puisque cela nous permet de survivre.

— Ça bénéficie à tout le monde, sauf à ce Morckan. Qui c'est d'ailleurs ?

— Le Duc Morckan est le dirigeant de ce duché. Il est tellement imbu de sa personne qu'il lui a donné son nom. Ainsi qu'à la ville où il réside. Il roule sur l’or, répondit Éric d’une voix dure que Julien n’avait jamais entendue dans sa bouche. Tous les impôts qu’il lève pour son confort personnel tuent la population du duché, mais il s’en fout royalement. Crois-moi, il mérite amplement ce que nous lui faisons.

— Si tu le dis,
fit Julien. Je veux bien te croire. Mais dis-moi, il y a bien un moyen pour revenir dans notre monde, n’est-ce pas ?

Éric eut un rire sans joie qui s'éteignit presque immédiatement. Son regard s'égara vers la cime des arbres et il répondit dans un murmure à peine audible :

— Crois-tu que je serais encore ici, après trois années s’il avait existé un moyen ? Non. Je suis désolé Julien, je crois qu’il n’existe aucun moyen, sinon celui d’attendre, au hasard, de trouver un globe lumineux qui nous ramènera chez nous.

— Et les sorciers, ils ne peuvent rien ?
demanda Julien, en tentant de contrôler la panique qu'il sentait monter en lui. Ils doivent bien connaître les endroits où se trouvent ces globes !

— Ce n’est pas une bonne idée, de se mêler des affaires des sorciers,
répliqua Éric d’un ton catégorique.

— Pas une bonne idée ? Tu te fous de moi ? Je veux retourner chez moi ! Alors je tenterais tout pour faire cela. Et si jamais les magiciens ne sont pas capables de m’aider, alors j’irais voir les dragons, s’ils connaissent la solution à mon problème !

Julien s’était levé. Sa voix avait augmenté de volume et grimpé dans les aigus. Ce n’était pas possible. Il ne pouvait pas rester ici. C’était tout simplement inconcevable.

— Calme-toi, fit Éric en se levant à son tour et jetant aux alentours des regards inquiets. Tu ne dois pas parler des dragons et de magiciens comme ça, comme si cela n’avait aucun impact ! Leur nom même recèle un pouvoir, à ce qu’on dit.

Julien dévisagea son ami, comme s’il le voyait pour la première fois.

— Non ! Tu ne vas pas me dire que tu crois à toutes les balivernes de roman. Un nom est un nom, et rien de plus. Et les sorciers doivent être des hommes comme les autres, si ce n'est leurs pouvoirs.

— Non. Pas à Islenor,
répliqua catégoriquement Éric. Tu sais, j’ai bien cherché un moyen de faire demi-tour, moi aussi, quand je suis arrivé ici. J'ai voulu aller trouver un sorcier. Personne n'a voulu m'y conduire. Pas pour s'opposer à moi, mais par peur. Et également pour me protéger. Ces gens que tu as vus tout à l'heure sont mes amis et ils m'ont conseillé de ne pas me mêler des affaires des sorciers. À ce qu'ils disent, ils sont aussi irritables que puissants. Et je les crois volontiers étant donné les histoires qu'on raconte à leur sujet. J'ai fini par abandonner. Il n’y a pas de retour possible, Julien. Maintenant, je suis habitué à cet endroit. Je ne m’y trouve pas mal. Peut-être même mieux que dans l’autre monde. Ici, aucun surveillant ne m’emmerde en surveillant mes allées et venues. Je suis libre ici ! Tu verras, la vie ici n’est pas mauvaise. Tu t’y habitueras aussi. J’en suis sûr.

Julien ne réagit pas. Il n’en croyait pas ses oreilles. Ainsi, il avait perdu pour toujours le monde qu’il connaissait. Ses amis. Les soirées au vieux hangar. Marine. Tout ça s’était envolé.

— Non, je ne m'y habituerais jamais. Parce que moi aussi je suis libre. Et dans mon propre monde. Maintenant que je fais des études, ma bourse me permet de payer un loyer et le surveillant ne m'emmerde plus. En restant dans mon monde !

La voix de Julien tremblait. Il n'arrivait pas à envisager de rester ici jusqu'à la fin de ses jours, ce qui ne saurait tarder compte tenu de la dangerosité de ce monde. Pas maintenant que sa vie avait prit un sens.

— Viens donc au campement. Je te présenterais aux autres, continua Éric d'une voix apaisante.

— Je n’ai pas envie de rester ici !
souffla Julien luttant pour retenir ses larmes. Il faut que je rentre. Marine va m’attendre !

Éric haussa un sourcil étonné. Il aurait même été amusé si la situation avait été autre.

— Marine ? La fille du surveillant ? Tu lui as enfin parlé ?

— Presque. J'allais le faire. Mais il a fallu que je voie cette saloperie de sphère et que j'ai l'idée débile de la toucher ! Je ne veux pas rester ici, Éric,
répéta Julien.

— Tu es obligé de rester ici, répondit Éric doucement en passant son bras autour des épaules de son ami afin de le réconforter. Écoute-moi, si tu y tiens vraiment, demain, on ira voir Barkof. C'est un sorcier qui semble plus accessible que les autres. Il parait qu'il n’habite pas loin. Si nous insistons, je suis sûr qu'on pourra convaincre quelqu'un de nous indiquer l'endroit exact. Il pourra peut-être t’aider.

— Tu surmonterais ta peur des sorciers pour m’aider ? Pourquoi ne l’as-tu pas fait pour t’aider toi-même ?

— Parce que je ne me sens pas mal ici. Et que pour moi, affronter les sorciers n’en vaut pas le risque. En fait, j’ai toujours rêvé de vivre une aventure telle que celle-ci. Mais pour toi, cela en vaut peut-être la peine.

— Oui… Je crois que je n’ai pas trop le choix, n’est-ce pas ?
fit Julien résigné. Mais dis-moi une chose : combien de temps s’est écoulé depuis ton arrivée ici ?

— Hum… Je dois avouer que j’ai un peu perdu la notion du temps qui passe dans ce monde. Mais je dirais que cela fait au moins trois ans que je vis ici. Pourquoi ?

— Au moins, il semblerait que le temps s’écoule plus ou moins de la même manière ici et dans le monde réel. C’est déjà ça.

— Ce monde est aussi réel que celui que tu as quitté. Il faut bien que tu te rentres ça dans le crâne si tu veux parvenir à quelque chose ici.


Julien hocha la tête d’un air peu convaincu. Mais Éric sembla s’en contenter.

— Et tu oublie aussi une chose importante, fit-il avec un sourire. Les gens d'ici parlent la même langue que nous. Apparemment, cette langue est parlée sur tout le continent. Au moins, nous n'avons aucun problème pour ce faire comprendre.

— Tant mieux parce que je comptais pas apprendre la langue du coin, répondit Julien d'un ton maussade.

— Allons suis-moi, dit Éric sans relever. Mais avant d’aller au campement, il faut mettre au point une chose. Là-bas, je m’appelle Armic. Ne prononce plus jamais le nom d’Éric qui est celui d’un dragon. Ça pourrait encore nous apporter des ennuis et nous n'en avons pas besoin. Compris ?

— Comme tu voudras,
marmonna Julien.

— Et toi, tu dois aussi changer de nom. On peut déformer ton véritable nom, si tu veux. Comme j'ai fait pour moi. Voyons… Que dirais-tu de… Yurlan ? Ça sonne bien, tu ne trouves pas ?

— Si, si… pourquoi pas ?
répondit Julien en essuyant ses larmes du revers de la main. J’essayerais de ne pas oublier ce nom… Yurlan…

Le nom sonnait bizarrement dans sa bouche, mais Julien su qu’il s’en souviendrait sans problème. Même s'il espérait encore l'oublier au plus vite.

— Bien, fit Éric satisfait. Alors en route Yurlan ! Le soleil commence à descendre. Dans quelques minutes, il fera nuit. Et je t’assure que cette forêt n’est pas sûre la nuit. Des bêtes y rôdent !

Et le jeune homme blond partit d’un grand éclat de rire. Julien releva la tête et suivit d’un pas décidé Éric, hilare, qui partait déjà dans les bois sombres. Peut-être ce sorcier pourrait-il l’aider. Il fallait se raccrocher à ce mince espoir.
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MessageSujet: Re: Islenor   Islenor EmptyMar 2 Sep à 20:46

Les deux amis s’enfoncèrent entre les arbres. Éric progressait rapidement, évitant aisément les branches basses. Mais Julien, lui, eut rapidement le visage, le torse, les bras et les jambes couverts de zébrures rouges, et il se serait rapidement fait distancé si Éric ne s’arrêtait pas régulièrement pour l’attendre.

Après quelques minutes d’une marche laborieuse, ils arrivèrent dans une vaste clairière où étaient construites des dizaines de huttes en bois et où brûlaient de nombreux feux de bois. Autour de ces feux, des hommes et des femmes étaient assis et faisaient cuire des lambeaux de viande au bout de piques en fer à manche de bois. Celui qui s’appelait dorénavant Armic entra sans hésitation dans la clairière et slaloma entre les différents feux, répondant ici et là d’un sourire aux salutations des différentes personnes assises autour.

Julien était impressionné. Quand il avait entendu Éric parler de sa « communauté », il s'attendait à rencontrer une vingtaine de personnes, tout au plus. Ici, à vue de nez, ils étaient au moins deux cents. Et ils semblaient très bien organisés. Quelques hommes en armes rodaient aux abords du camp, scrutant la sombre forêt. Julien n'avait pas vu de sentinelles, mais il était persuadé qu'il y an avait et qu'elles étaient bien dissimulées.

Julien suivit son ami jusqu’à un feu entouré de cinq personnes qui bavardaient gaiement. Le jeune homme reconnut certains visages qui accompagnaient Éric lorsqu’il l’avait surpris dans la petite clairière où il était apparu. Éric s’approcha doucement d’une femme brune aux cheveux courts et déposa un baiser dans son cou. La femme se retourna, lui sourit et dit :

— Alors Armic, on a failli t’attendre. Que faisais-tu donc ? Les autres m’ont dit que tu avais à corriger un imprudent qui t’avait insulté ?

Elle leva un sourcil interrogateur à l’adresse de Julien. Elle était très belle, pensa le jeune homme. Ainsi, Éric ne mentait-il pas quand il disait qu’il se sentait bien ici. Il avait carrément refait sa vie ici. Voulait-il seulement revenir dans son monde d’origine ? Julien n’en était pas certain. Il ne put s'empêcher de ressentir une pointe de jalousie envers son ami. La voix d'Éric le tira de ses pensées.

— Non, Palanda, c’est un ami. Il a un humour un peu douteux, mais j’étais trop heureux de le revoir pour lui en vouloir longtemps. Voici Yurlan. Et je vous préviens d’avance : il est sous ma protection personnelle alors ne le cherchez pas ou bien vous me trouverez. Il vient de très loin. Il a fait un long voyage pour venir jusqu’ici. Alors, ne lui en veuillez pas s’il n’est pas trop au courant des traditions d’ici. Allons, assied toi Yurlan. Et mange avec nous !

Julien s’assit autour du feu et tendit une perche de fer à manche de bois au-dessus du feu pour faire cuire les morceaux de viande qu’on lui fit passer. Bientôt, des gourdes à bière ainsi que des outres contenant un liquide non identifié, mais néanmoins très bon passèrent autour des feux. Somme toute, cela ressemblait assez aux soirées près du vieux hangar dans le monde d’où Julien et Éric venaient. Julien y fut bientôt à son aise malgré tous ses soucis. Mais il était trop fatigué pour profiter totalement de la soirée. S’en rendant compte, Éric le conduisit dans une hutte où se trouvait un lit. Ou en tout cas cela y ressemblait beaucoup. En effet, le matelas était fait de paille et il était troué en de nombreux endroits. Mais Julien était trop fatigué pour s'attarder sur ce genre de détails. Il s’y laissa tomber et sombra rapidement dans un sommeil sans rêves.





(Désolé, c'est un peu court aujourd'hui, mais j'avoue que j'ai pas la motiv ce soir. Et surtout pas vraiment d'inspiration. Mais j'espère que ça va revenir...)
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MessageSujet: Re: Islenor   Islenor EmptyMer 10 Sep à 22:00

(L'inspiration est revenue. Les muses vont et viennent, c'est ainsi. Je ne compte pas éditer mon message précédent, même s'il aurait sans doute gagné à être plus détaillé par moments. J'espère gagner en spontanéité et en fraîcheur ce que je perds en détails Wink)


Chapitre II(1)

Julien passa une nuit plutôt agréable, même si la paillasse sur laquelle il avait été installé était loin d'être aussi confortable que le lit qu'il avait l'habitude d'occuper. Le lendemain matin, alors que le soleil commençait à peine à se lever, il fut réveillé brusquement par Éric.

— Aller ! Debout ! Si tu veux aller voir Barkof, aujourd’hui, il ne faut pas tarder. Je me suis renseigné et après avoir beaucoup insisté, un ami a finalement accepté de nous y emmener. Et ce sorcier n’habite pas assez proche d’ici pour que tu puisses te permettre une grâce mâtinée. À cheval, il nous faudra au moins quatre heures. Mange quelque chose et on y va.

Tout en débitant cette phrase sur un ton pressant, Éric secouait vigoureusement son ami encore endormi. Julien resta un instant hébété. Cela faisait bien longtemps qu’il n’avait pas été réveillé de manière aussi violente. Les yeux encore fermés, il partit à tâtons à la recherche d’un oreiller qu’il pourrait lancer à la figure de celui qui se permettait de le secouer de la sorte. N’en trouvant pas, il se força à les ouvrir et revint soudainement à la réalité. Le temps d’une nuit, il avait espéré que tout cela ne fut qu’un rêve. Mais non. Il était bien dans ce monde étrange dont il ne connaissait rien et qu’il n’avait pas envie de connaître.

— Eh ! Ça va pas la tête ? fit-il d’une voix ensommeillée. Je sais me réveiller tout seul. Pas besoin de me secouer comme un prunier.

— C'est vrai excuse moi, mais je t'ai laissé dormir bien trop longtemps. Si on veut être de retour ici avant la nuit, il va falloir nous dépêcher,
répondit Éric en s'éloignant. Mange pendant que je vais chercher de quoi t'habiller convenablement. Ton petit déjeuner est posé sur la table au fond.

Soupirant, Julien s’assit péniblement sur le rebord du lit et se frotta les yeux. Quand il eut enfin les yeux en face des trous, il vit la table qu’Éric lui avait désignée. Il se leva et se dirigea vers elle. Dessus avait été déposé un bol de lait ainsi que du pain et du fromage. Julien eut tout d’abord un geste de recul. Du fromage ! Au petit déjeuner ! Quelle chose horrible ! Puis, la faim ayant rapidement raison de sa répulsion initiale, il s’empara de la nourriture, commença à y goûter du bout des lèvres puis l’engloutit d’un trait. Il avait toujours eu un bon appétit et ce n’était pas le peu de viande qu’il avait mangée la veille qui avait pu le rassasier complètement. D’autant que le fromage se révéla succulent.
Pendant que Julien était occupé à s’empiffrer, Éric s'était occupé de rassembler des vêtements propres. Il les tendit à Julien quand il eu fini son bol de lait.

— Tu enfileras ça une fois que tu auras fini de manger. Tes vêtements attirent trop l’attention ici. Et crois-moi, il vaut souvent mieux passer inaperçu dans ce monde.

Julien examina les vêtements qu’Éric lui tendait. Il y avait un pantalon d’un solide tissu noir, un gilet de toile verte ainsi qu’une ceinture toute simple à laquelle étaient accrochés le fourreau d’une courte épée recourbée et celui d’un petit poignard. Voyant Julien examiner les armes avec perplexité, Éric lui dit :

— Je doute que tu saches t’en servir, mais ça pourrait décourager certains bandits de s’attaquer à des hommes si bien armés. Évite quand même de la dégainer pour rien. Je ne voudrais pas que tu te fasses mal.

Julien leva les yeux au ciel. Des bandits, il ne manquait plus que ça ! Cependant, il s’habilla sans broncher et accrocha sa ceinture. Quand il eu fini, Éric lui tendait un arc qui faisait à peu près sa taille, accompagné d’un carquois rempli de flèches acérées. Julien le prit et le passa sans en bandoulière. Voilà un instrument dont il avait un peu plus l'habitude puisqu'il pratiquait le tir régulièrement depuis qu'il n'était plus à l'internat.

— Dis-moi, tu n’es jamais monté à cheval, n'est-ce pas ? demanda Éric.

— Et bien, tu devrais savoir que si, répondit Julien avec un sourire. Tu ne te rappelles pas ? Un pari stupide. Je m’étais vite retrouvé la gueule dans vingt centimètres d’un savoureux mélange de boue et de crottin.

Éric sourit à son tour. Un instant, Julien crut voir de la nostalgie dans ses yeux bleus, mais il n'aurait pas pu le jurer.

— Si. Je m’en souviens bien ! s’exclama Éric. On était tous complètement fait ! Ça n’avait pas plu au cheval !

Puis il reprit son sérieux.

— Mais ça aurait pu être dangereux. J’imagine qu’après cette expérience désastreuse, tu n’as plus jamais pratiqué l’équitation.

— Une leçon me suffit,
acquiesça Julien toujours souriant.

— Ce n’est pas grave. Tu monteras derrière moi. En fait, tu n’auras rien d’autre à faire que bien te tenir. Ce n’est pas compliqué, tu verras… Tiens, voilà Corfik, ajouta-t-il en désignant un homme au crâne rasé qui tenait deux chevaux par la bride. Il sait où habite Barkof. Il va nous y conduire. N’essaye pas de lui faire la conversation, il est muet. Un cadeau de Morckan. Ici, quand on dit quelque chose qui ne plaît pas au duc, on lui coupe la langue. C’est le châtiment.

Un grand homme au crâne rasé et aux traits durs et aux yeux perçants s’avança vers eux, tenant deux chevaux noirs par la bride. Il tendit la bride de l’un d’eux à Éric et entama une longue suite de gestes. Éric semblait le comprendre, puisqu’il hochait la tête d’un air entendu. Julien, lui, n’essaya même pas de suivre les mains du chauve qui s’agitaient à grande vitesse. Au bout de quelques secondes, Éric se tourna vers lui et fit :

— Allons-y ! Nous devrions nous dépêcher si nous voulons être de retour avant la nuit.

Et il grimpa sur la selle de l’un des chevaux avec une si grande habileté qu’on aurait cru qu’il avait fait cela toute sa vie. Puis il tendit la main à Julien pour l’aider à monter. Après une courte hésitation, celui-ci l’agrippa et se hissa derrière son ami. Heureusement que le cheval qu’avait choisi Corfik était une bête placide, car Julien se laissa tomber lourdement sur l’arrière-train de la monture qui ne broncha même pas. Quand Éric incita son cheval à avancer d’une pression du talon, Julien du enrouler brusquement ses bras autour de la taille de son ami pour ne pas tomber.

— Eh ! Nous ne sommes encore qu’au pas et déjà tu crains de chuter ! Il va falloir que ton sens de l’équilibre se développe énormément, si tu veux mon avis, fit Éric d’un ton de reproche. Et desserre ton étreinte. Je ne peux quasiment plus respirer.

— Dis, je te rappelle que je ne suis ici que depuis hier. Je n’ai pas encore eu le temps d’apprendre toutes les choses indispensables à ma survie dans ce monde de fou ! répliqua rudement Julien. Et je ne compte pas avoir le temps de toutes les apprendre. Tout ce que je veux, c’est retourner dans mon monde d’origine.

— Et bien nous y allons ! Alors accroche-toi !
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MessageSujet: Re: Islenor   Islenor EmptyDim 19 Oct à 20:26

Éric talonna le cheval noir qui partit au grand galop à travers les arbres. Julien resserra encore son étreinte autour de la taille d'Éric. Bientôt, ils rejoignirent un grand chemin forestier. Là, Éric tira sur les rênes du cheval qui arrêta sa course. Corfik arriva immédiatement après. Il regarda Julien encore accroché à la taille de son ami avec un sourire amusé. Le jeune homme le foudroya du regard. Pour qui il se prenait ce gars ? Il ne le connaissait même pas !
Sans faire de commentaire, et pour cause puisqu'il était muet, le chauve désigna la direction à emprunter et il partit au galop. Éric le suivit sans hésiter. Julien jura entre ses dents et fit tout ce qui était en son pouvoir pour ne pas tomber. Au bout de deux heures de chevauchée, Julien desserra légèrement son étreinte et constata à sa grande surprise qu’il pouvait tenir en équilibre sur l’arrière-train du cheval rien qu’en se servant de ses jambes. Le voyage fut donc, à partir de ce moment-là, plus confortable. Peu de temps après que Julien eu fait cette extraordinaire découverte, Corfik stoppa son cheval. Éric fit de même et regarda les gestes que le muet lui adressait.

— Nous faisons une pause, traduit-il à Julien. Les chevaux doivent se reposer. Et je pense que toi aussi tu dois te reposer un instant, non ?

Le sourire d'Éric quand il prononça cette dernière phrase fit grimacer Julien. Il n’était pas plus fatigué que lui ! Pour qui se prenait donc ce crétin d'Éric pour prétendre être plus endurant que lui ? Julien rejoignit Éric et Corfik à terre et grogna de douleur. Son dos et ses fesses lui faisaient terriblement mal. Il jeta un regard assassin à Éric et Corfik qui le regardaient masser ses membres douloureux avec un sourire aux lèvres, et il alla s’asseoir sur un rocher plat au bord de la route. Il tourna résolument le dos à ses compagnons et poussa un soupir. Il n'était vraiment pas fait pour ce monde.
Éric regarda son ami qui fixait ses pieds d’un air buté. Il adressa un geste à Corfik et s’approcha de Julien. Sans un mot, il lui tendit une gourde. Julien leva les yeux vers lui. À la grande surprise d’Éric, ces yeux étaient brillants de larmes.

— Tu crois que ce sorcier pourra quelque chose ? demanda Julien anxieusement.

Éric s’assit à côté de son ami et passa un bras autour de ses épaules.

— Oui, répondit-il. J’en suis persuadé. D'après Corfik, Barkof est quelqu’un de bien. Il fera tout ce qu’il peut pour t’aider. Et il a de grands pouvoirs. Tiens, bois. Je suis sûr que tout s’arrangera pour toi.

Julien accepta la gourde et but tout son content. À peine avait-il fini qu’il vit Corfik se lever brusquement en dégainant son épée. Éric le remarqua aussi. Il descendit sur le chemin suivi de près par Julien. Une dizaine d’hommes en uniforme rouge déboulèrent au grand galop sur la route. Sur un ordre de l'homme qui menait la troupe, ils stoppèrent leurs montures.

— Halte ! cria celui qui semblait mener la troupe, un grand homme aux cheveux noirs et au regard perçant avec une grande cicatrice courant de son œil droit au coin de sa bouche. Que faites-vous donc par ici ? Ne savez-vous pas que cette forêt est dangereuse ? À moins que vous ne soyez vous-même de ces bandits. Si j’en juge par l’épée que tient le chauve, je pencherais pour cette solution. Auquel cas il vous faudra nous suivre sans rechigner afin d’être jugé par la justice de Morckan.

— Voyons, Monseigneur, avons-nous vraiment l’air de bandits ?
s’exclama sans hésiter Éric dans une parfaite imitation de l’incrédulité. Nous ne sommes que de simples convoyeurs. Nous devons aller prendre en charge une cargaison à Morckan, pour la mener à Barsend. Rangez votre épée, Coierim. Vous voyez bien que ces gens ne sont pas nos ennemis.

L’homme à cheval regarda du coin de l’œil Corfik rengainer son épée, mais il ne sembla pas quitter Éric du regard un seul instant.

— Et pourquoi emprunter cette route ? Un loyal sujet de Sa Majesté n’aurait pas cherché à éviter le péage de la Grande Route. Vous préférez enrichir ces satanés truands ! Vous méritez un châtiment.

— Mais enfin, je vous assure que non !
fit Éric d’un air implorant, dardant autour de lui ses yeux affolés. Nous venons de Brunort. Passer par la Grande Route eut été un immense détour qu’il nous était impossible d’effectuer si nous voulions pouvoir nourrir nos familles. Notre employeur nous impose des délais très stricts. Et si nous ne nous y tenons pas, il refuse de nous payer. Ces bandits nous ont pris nos derniers sous. Je vous en supplie. Laissez-nous gagner Morckan.

Ces derniers mots avaient été prononcés entre deux sanglots tellement convaincants que même Julien y aurait cru. Éric avait toujours été doué pour jouer des rôles. Mais sa maîtrise du théâtre semblait avoir décuplé pendant son séjour dans ce monde. L’homme en uniforme rouge, quant à lui, ne semblait plus savoir quelle attitude adopter. Il ouvrit la bouche, la referma aussitôt et poussa un long soupir.

— Allez, fit-il. Passez votre chemin. Puissiez-vous atteindre Morckan sans problèmes.

À cette phrase, plusieurs des soldats échangèrent des regards désapprobateurs. Leur chef se tourna vers eux et les cloua sur place de son regard d’acier.

— En route ! Nous n’avons pas que ça à faire ! leur cria-t-il.

Et il talonna son cheval. Il passa doucement auprès d'Éric, lui posant la main sur l’épaule. Éric leva la tête vers lui avec un regard inquiet. Puis, le soldat partit au galop, immédiatement suivi par ses hommes. Dès qu’ils furent hors de vue, Éric éclata d’un grand rire.

— Comme je l’ai embobiné ce crétin ! Il n’y a vu que du feu ! Ah ! Tu as vu ça Yurlan ? Qu’en penses-tu ? Prends en de la graine, c'est le genre de choses qui servent beaucoup ici...

— Je pense que tu devrais regarder ce que ce « crétin » a accroché sous le col de ta chemise au lieu de faire le malin,
répliqua Julien, avec un sourire

D’un air incrédule, Éric passa sa main sous son col et y trouva effectivement un papier plié en quatre. Son sourire disparu, il le déplia et dit d’une voix blanche :

— C’est moi. Ce dessin me représente. Cet enfoiré m’a reconnu !

Julien pouffa de rire, bientôt imité par Corfik. Éric contemplait le bout de papier d’un air incrédule. Il le froissa d’un geste colérique.

— Ce n’est pas drôle ! Taisez-vous ! Ne comprenez donc vous pas ce que cela signifie ? Que je suis recherché ! Pour que cet imbécile ait ce papier en sa possession, il a bien fallu que quelqu’un le lui donne ! Or, je n’ai jamais fais faire de portrait à mon image. Il doit y avoir un avis de recherche à Morckan. On peut dire que nous avons eu de la chance de tomber sur ce Capitaine-là, et pas un autre.

Julien et Corfik reprirent instantanément leur sérieux. La situation n’était évidemment pas très bonne. Elle pouvait même devenir dangereuse si Éric était amené à se rendre à Morckan. Il était donc devenu officiellement un hors-la-loi.

— Je ne comprends tout de même pas pourquoi ce capitaine n’a pas cherché à m’arrêter s’il savait qui j’étais.

— Tu n’as sans doute pas que des ennemis à Morckan,
répondit Julien.

— C'est possible, concéda Éric. Mais je pense qu'il y a peu de chance que ce soit vraiment un ami. Ou alors il nous aurait rejoint dans Sarmiac. Enfin, ne perdons pas de temps ! Nous avons encore du chemin à parcourir.

Julien pensa que des gens pouvait avoir de la sympathie pour sa cause tout en préférant vivre dans une maison chaude plutôt que dans une forêt sombre et humide, mais il se tut. Son ami avait assez de problème pour qu'il ne lui fasse pas remarquer les quelques bêtises qu'il disait.
Eric enfourcha son cheval, attendit que Julien monte en croupe, de manière toujours aussi peu élégante, et partit au galop. Les deux heures qui suivirent furent silencieuses. Seul le martèlement des sabots sur le sol emplissait les oreilles de Julien. Il comprenait la réaction de son ami à la nouvelle qu’il venait d’apprendre. Apprendre que sa tête est mise à prix ne devait pas être rassurant. Décidément, ce monde-là était vraiment trop dangereux pour lui. Il fallait absolument qu’il le quitte. Et vite.
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